Il ne vous aura pas échappé que dans notre université, comme partout dans le monde, l’anglicisation des formations et de la communication gagne du terrain (le cas de l’université de Milan, passée au 100% anglais il y a trois ans avant d’être juridiquement désavouée est intéressant).
La promotion du multilinguisme et un meilleur apprentissage des langues de l’école à l’université sont des objectifs absolument louables, que nous partageons ; la traduction en langue anglaise (ou autre), autrement dit, l’emploi simultané de plusieurs langues dont le français peut s’avérer tout à fait utile ; et il est bien évident que certains domaines de la recherche ont constitué une langue savante largement fondée sur l’anglais (comme ce fut le cas, autrefois, sur le français ; ou encore, auparavant, sur un latin semi artificialisé. Il est non moins évident, ce qui d’une certaine façon ridiculise ce tropisme anglophone, que ces langues savantes recourent en fait à un anglais dont le vocabulaire est largement tributaire d’un fonds emprunté au français, au latin et au grec).
Est-il pour autant légitime, acceptable ou tout simplement utile 1°) d’angliciser prioritairement certains enseignements dans les formations internationales qui se mettent aujourd’hui en place (cela de surcroît dans une université qui se tourne vers la Méditerranée…) 2°) d’utiliser l’anglais comme premier support de communication pour tout ce qui touche aux Relations Internationales, des mails aux documents de travail, la langue française étant en second rang, ce qui est aujourd’hui le cas dans notre université ?
Il est temps de nous mobiliser pour que cesse cet usage prioritaire ou exclusif de l’anglais. Les messages émanant des Relations Internationales, par exemple, devraient être rédigés, comme la loi l’exige, d’abord en français. Puis, ensuite, traduits dans plusieurs langues étrangères – pourquoi seulement l’anglais ? La contradiction est forte, en effet, dans le fait de proclamer la nécessité d’une ouverture internationale et de promouvoir en même temps une seule langue comme vecteur de communication : cette exclusivité, au lieu de nous ouvrir sur la pluralité du monde, nous enferme au contraire dans une forme d’hégémonie linguistique stérilisante. L’UFR ALLSH par exemple regorge de compétences linguistiques qui pourraient contribuer à cet effort de valorisation du multilinguisme, voire du plurilinguisme. Une telle initiative aurait le mérite de mettre en acte l’ouverture dont témoignent nombre d’actions européennes, d’appels à projet ou de dispositifs internationaux, et d’attester d’une ouverture et d’une curiosité essentielles à toute coopération internationale.
Pour entamer la réflexion, qui soulève aussi la question de la richesse propre à chaque langue et de l’appauvrissement culturel mais aussi intellectuel qu’entraîne de tels choix linguistiques, les références ne manquent pas (Claude Hagège, Barbara Cassin…). Vous pouvez aussi vous référer au dossier déposé sur ce site (https://snesupamu.files.wordpress.com/2021/01/luciani-isabelle.-1ere-synthese-pour-le-groupe-de-travail-snesup-fsu-sur-les-certifications-de-langue-en-licence-dut-et-bts.pdf ) ; et vous pouvez vous promener sur le site de l’observatoire du plurilinguisme, https://www.observatoireplurilinguisme.eu/dossiers-thematiques/education-et-recherche/19-les-langues-a-lecole/11060-des-cours-en-anglais,-%C3%A0-l-ecole-polytechnique-de-milan,-le-oui-de-la-consulta-1-mais-l-italien-ne-doit-pas-dispara%C3%AEtre. Vous y trouverez notamment le rappel important qu’en France, les agents de la fonction publique s’expriment d’abord en français, y compris dans les documents de travail qui sont diffusés ; la Circulaire de la ministre de la Fonction publique et du secrétaire d’Etat chargé du développement et de la francophonie du 1er octobre 2016 est très claire à ce sujet: https://www.observatoireplurilinguisme.eu/images/Fondamentaux/Les_textes/50942_-_Circulaire_-_MFP__francophonie_VERSION_FINALE_MFP_MAEDI_opt.pdf
Une information claire sur l’usage prioritaire de la langue française dans le droit du travail se trouve ici : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/languefrancaisedstravail-2.pdf Vous pouvez également lire cet article de Pierre Frath sur « L’anglicisiation des formations dans l’enseignement supérieur » : https://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?action=acceder_document&arg=2912&cle=2df5732d83392731af4aa78e3798b3f9640f2323&file=pdf%2F2014-1_intro.pdf ; et suivre ce très court podcast de France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/luniversite-en-anglais-soft-power-ou-menace-pour-le-francais
En espérant en débattre avec vous bientôt, et plus largement de la politique des langues à l’université et plus particulièrement dans la nôtre,
le bureau de la section SNESUP-ALLSH
Excellent article! Merci beaucoup pour les liens.
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